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Journée des Femmes: elles ont conquis la parité, pas l'égalité
Les Françaises ont conquis depuis un demi-siècle la parité dans les études et les activités salariales, mais ce bouleversement ne se traduit pas par plus d'égalité avec les hommes, rappelle la sociologue Margaret Maruani à l'occasion de la 100ème Journée internationale des femmes.
"Le paradoxe aujourd'hui, c'est que les inégalités sont dures et durables" malgré ces "mutations essentielles" ajoutées au droit de vote, à la contraception et à l'avortement, estime cette directrice de recherche au CNRS qui a fondé le Mage (groupement de recherche européen "marché du travail et sexe").
"Avec aujourd'hui un salariat composé à 47% de femmes, avec des filles plus instruites, plus diplômées que les hommes, on pourrait se dire que les conditions sont remplies, que l'égalité est là, au bout du chemin, or elle n'y est pas", résume-t-elle.
"Sur le front des salaires, des carrières, du sous-emploi, du chômage, de la précarité, les inégalités ne bougent pas", souligne-t-elle, rappelant qu'en moyenne une femme gagne 25% de moins qu'un homme.
"A diplôme égal, âge égal, expérience égale, on ne propose pas les mêmes types de travail, ni les mêmes salaires, ni les mêmes déroulements de carrière aux garçons et aux filles: un fonctionnement extrêmement sexué du monde du travail perdure", note la sociologue.
"La fable d'un simple décalage dans le temps n'est plus crédible, on a assez de recul pour dire maintenant que non, les choses ne s'arrangent pas toutes seules, car il n'y a pas de pente naturelle vers l'égalité", estime la chercheuse, favorable aux mesures coercitives: "quand la loi l'impose, la parité est là", dit-elle, citant les listes aux municipales.
Pis, de nouvelles inégalités sont arrivées: en effet, au moment où l'on assistait à une tendance à l'harmonisation des carrières entre hommes et femmes, ces dernières ne s'arrêtant plus de travailler à la naissance des enfants, "l'arrivée massive du temps partiel a contrecarré l'égalité entre les sexes, c'est clair", affirme Mme Maruani.
Les chiffres sont sans appel: 1,5 million de salariés à temps partiel en 1980, 4 millions aujourd'hui, dont 80% de femmes, "une proportion qui ne bouge pas depuis des années", dit-elle.
"80% des smicards et des salariés sous le smic sont aussi des femmes: ces trois chiffres donnent les clefs de la pauvreté des femmes", résume Margaret Maruani pour qui "le temps partiel est devenu la figure emblématique de la division sexuelle du marché du travail".
"Ce que raconte Florence Aubenas, je l'ai lu dans beaucoup d'enquêtes sociologiques: c'est exactement ça", s'exclame l'universitaire au sujet du livre-témoignage de la journaliste du Nouvel Observateur, "le quai de Ouistreham", écrit après une immersion de six mois dans l'univers des femmes de ménage de la région de Caen, abonnées aux horaires fractionnés, et aux très bas revenus. Cette "paupérisation d'un large segment du salariat féminin" entraîne une autre conséquence, une nouvelle inégalité, encore plus criante, celle des montants des retraites, ajoute Mme Maruani: les plus de 65 ans touchaient en 2004 1.535 euros par mois s'ils étaient des hommes, et 692 euros s'il s'agissait de femmes.
Et les tâches domestiques ne risquent par de corriger les inégalités. La sociologue rappelle "les résultats navrants" de deux enquêtes de l'Insee de 1986 et 1999: entre ces deux dates, les femmes ont effectué en moyenne 31 minutes de travail domestique quotidien en moins et les hommes 6 minutes en plus. La moyenne des femmes restait de cinq heures par jour, contre deux pour les hommes.
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